L'histoire du parc d'Hesdin s'inscrit entre 2 dates précises : le 24 février 1295, jour où Renaud Coignet de Barlète, maître des oeuvres du château d'Hesdin, fait exécuter la clôture du parc, et le 17 juillet 1553, date de la reddition de la ville d'Hesdin. A la suite de celle-ci, Charles Quint commanda la destruction de cette ville, puis la reconstruction d'une ville nouvelle, quelques lieues plus loin. Le parc d'Hesdin disparut à tout jamais dans ce désastre après 258 ans d'une existence extrêmement brillante.
Les distances séparant les ruines du château de Vieil-Hesdin et les villages du Parcq, du Bas-Parcq et de Grigny donnent une idée des dimensions exceptionnelles de ce parc, qui couvrait une superficie de 940 hectares.
Renaud Coignet de Barlète, chevalier franco-italien, « gardien et maître des travaux de monseigneur », revint de Sicile avec Robert II d'Artois. Pendant 7 ans de 1292 à 1299, c'est lui qui s'occupa de tout ce qui concernait le château d'Hesdin et son parc. Il disparut des comptes en 1299, pendant 4 ans. C'est une lettre de Mahaut d'Artois qui nous apprend que cet homme avait, en fait, volé pendant des années, de l'argent à Hesdin. Il s'est enfui du royaume et on a perdu sa trace. Malgré la malhonnêteté dont il a fait preuve, c'est quand même un peu grâce à lui que nous devons la magnificence du parc et du château d'Hesdin. Grâce surtout à la confiance absolue de Robert II et à des crédits illimités, il put réaliser cet « Eden » qui nous intéresse tant.
Le parc fut agrandi très vite au détriment des moines d'Auchy qui se virent contraints de céder leur domaine du bord de la Ternoise, d'autres terrains étant achetés par la suite. En 1295, un mur d'enceinte fut érigé autour de ce parc, on y pénètrait par plusieurs portes, toutes munies de herses. La plus grande partie du parc consistait en collines boisées, mais la zone la plus jolie se situait dans la vallée de la Ternoise. La rivière et ses sources y alimentaient un vivier et des fontaines. Les bois et les prés étaient remplis d'oiseaux et de bêtes sauvages. On y trouvait aussi des vignes, des jardins fruitiers, de petits pavillons et un jardin de roses entouré d'un mur avec tourelles. On est très proche de l'image des jardins d'amour que l'on trouve dans les romans courtois. L'endroit appelé le Marès comportait un manoir, un grand haras et une maison , le pavillon du Marès, plus tard rebaptisé le pavillon des fontaines. D'autres bâtiments se trouvaient tout près : la maison du sergent, la grange du haras, et deux petites loges, dont l'une, la loge haute, dut reposer sur pilotis, car on l'appelait aussi loge sur l'yiaue.
Lorsque Robert II d'Artois mourut en 1302, il semble qu'une partie du décor était déjà achevée : pont du pavillon, gloriette , chapelle, gaïole ou volière, et des paiements d'automates figurent déjà dans les comptes à partir de 1299.
Sa fille, la Comtesse Mahaut d'Artois, allait entretenir, puis parfaire les travaux de son père.
Durant toute la guerre de Cent Ans, le décor d'Hesdin fut ponctuellement tenu en état. Lorsque, par son mariage en 1384, Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne, devint le maître d'Hesdin, il restaura plus complètement encore tout l'ensemble.
Philippe le Bon fit effectuer de nouvelles restaurations en 1431 pour l'achèvement desquelles fut rédigé un texte extraordinaire publié par le Comte de Laborde en 1849, écrit par Colard le Voleur, valet de chambre et peintre du duc, et qui a révélé le détail de cette prodigieuse mise en scène.
A l'entrée de la galerie, nous dit-il, se trouve un engin pour mouiller les dames lorsqu'on marche dessus et un miroir où l'on voit plusieurs abuz, car lorsqu'on touche aux boucles, le dit engin vient vous frapper au visage et ceux qui sont au-dessous sont broulliez tous noirs ou blancs. Il y a aussi une fontaine où l'eau vient lorsqu'on le désire et retourne toujours d'où elle vient.
Dans une autre salle, un ermite fait pleuvoir tout partout comme l'eau qui vient du ciel,... et aussi tonner et neiger et aussi escliter comme on se le veoit au ciel...
Colard le Voleur renchérit certainement sur le programme de ses prédécesseurs et complèta le système d'arrosage, puisqu'il doubla la surface du sol précédemment aménagé. Un pont vous faisait choir dans l'eau; on allait de surprise en surprise et, après une énumération extravagante, Colard le Voleur résume le cas de ceulx qui ne vouldront partir seront tellement moulliés qu'ils ne seront où aller pour eschiver l'eau.
Philippe le Bon, magnifique, et sachant tout ce que l'émerveillement provoqué par un tel spectacle pouvait faire pour sa propagande, n'hésita pas à décorer richement cette galerie. Les murs étaient ornés d'hystoires de grands imaiges de peintrerie, le plafond peint à la façon d'un ciel tout d'azur et semé de grans estoiles dorées; des anges y étaient accrochés, ils pendaient et leurs ailes étaient dorées de fin or et d'argent. Tel était le décor à grand spectacle qui allait bientôt servir de cadre aux entretiens diplomatiques avec Louis XI, en 1452, car c'est à Hesdin que se rencontrèrent les princes, les ambassadeurs, et que la Reine fit, en 1464, le plus plaisant des séjours. Lorsque, le 3 octobre, Philippe Pot accueillit les ambassadeurs anglais, ce n'est pas au château qu'il les conduisit, mais au parc immense, où le Duc, entre autres merveilles, possédait une maison de bois qui se tournait sur 4 roues vers tous les endroits du ciel et là joyeusement devisaient avec ceux qui les conduisaient, et disaient qu'oncques n'avaient vu si belle et si haute forêt où il y eut tout plaisir de daims, cerfs et autres bêtes et où rivière coule au milieu, louèrent le parc encore plus et s'en délectèrent.
Les origines arabes du parc d'Hesdin sont incontestables. Robert II d'Artois avait gouverné la Sicile de 1285 à 1289. Or, à Palerme se trouvaient de merveilleux jardins chantés par les poètes arabes, et dans lesquels fonctionnaient des automates hydrauliques. Tout un programme repris par le Comte Robert d'Artois à son retour :
On peut se faire une idée du parc d'Hesdin grâce à un manuscrit contenant 100 miniatures exécutées par Jean Miélot, employé du Duc de Bourgogne, entre 1455 et 1461. Toutes les miniatures donnent des aspects soit d'un parc, soit de préaux placés dans un cadre très vaste et organisé, et la dernière représente Miélot écrivant sur l'ordre de Philippe le Bon, la fenêtre de son atelier donnant sur un charmant paysage fort semblable à celui de la région d'Hesdin.
Aujourd'hui les villages du Parcq et du Bas-Parcq conservent le souvenir de de ces splendeurs, comme le fait le village de Parco en Sicile.
Les automates du château et du parc d'Hesdin datent de la fin du XIII° siècle, lorsque Robert II d'Artois rénova et agrandit le domaine. Il s'agit plus, d'après les comptes du XIV° siècle, de statues en bois animées comme des marionnettes que de véritables objets articulés qui se meuvent tout seuls. Ces divertissements avaient une grande importance aux yeux des princes puisque, malgré les réparations continuelles et coûteuses dont ces engins ont fait l'objet, jamais ils ne disparaissent des comptes et ce jusqu'en 1475 environ.
Toute la période des Comtes d'Artois se caractérise par une attitude qui poussa ces derniers à faire exécuter l'entretien et les réparations des automates, mais aucune création n'intervint.
Quand les Ducs de Bourgogne prirent possession du château d'Hesdin, commença au contraire une longue période de développement pour les engins. On assista alors à l'élaboration de véritables machines animées dont la spécialité était de jeter de l'eau. Ces engins ne se trouvaient pas seulement au château mais aussi dans le manoir et le pavillon du « marès ». Il semble qu'au travers de tous ces automates, on trouve une volonté de la part des princes de montrer leur puissance aux yeux des autres hommes. Un peu comme si ces machines les aidaient à faire une démonstration de leur force et de leur pouvoir. Le prince capable de créer la vie était assurément un grand personnage.
Il existait déjà des automates à Hesdin avant 1292, date du retour de Robert II à Hesdin. En 1299, les comptes parlent des engiens du paveillon, qui sont « rappareillés », ce qui signifie qu'ils ne sont pas neufs. En 1300, on les « raccorde »... ce qui veut dire qu 'ils fonctionnaient avec des cordes et on « ressaude les pipes de plonc », c'est à dire qu'on répare les canalisations qui amènent l'eau vers les engins.
Robert II fit aussi installer des automates dans le bâtiment annexe du château, la gloriette ou gayole.
Une autre création vint s'ajouter, les testes de sanglers. On en trouvait sur les murs d'une salle du château et elles avaient un certain succès puisqu'elles étaient régulièrement entretenues. Elles étaient actionnées par un mécanisme de cordes, et peintes.
La curiosité du parc était certainement celle qui se trouvait sur le pont d'accès au pavillon du « marès », on y voyait en effet six groupes de singes. Il s'agissait de marionnettes en bois fonctionnant à l'aide de cordes et recouvertes de fourrure, qui n'était autre que du blaireau.
Sous Mahaut, les engiens du paveillon continuèrent à être réparés. En 1321, ils furent refaits « souffissaument et tout aussi bien que quand il fut tous noes ».
Les automates qui se trouvaient dans le château, dans ce qu'on appelait alors « les aloirs », et plus tard « la gallerie », bénéficièrent eux aussi de soins.
En 1308, Mahaut fit installer le miroir des engins. C'était vraisemblablement un miroir déformant, puisqu'il faisait partie des amusements de la galerie. En 1312, il fut réparé grâce à des « glaces accatées à Abbeville ».
Un autre jeu fut créé en 1304, il concernait la gloriete : celle-ci devint une volière et on utilisait de la « glui à gluier cordes pour prendre oiselés en gloriete ». Ces oiseaux vivants, pris grâce à la glu, furent complétés par des oiseaux en bois sculpté, dont on « dore les pumiaux de fin or ». Les comptes de baillage sont remplis de mentions concernant des achats « d'oyseles pour mettre en le gaïole », certainement des tourterelles, des pigeons, peut-être aussi des perruches.
Lors de la révolte de Robert III et de la noblesse contre Mahaut, des dégâts furent occasionnés par les rebelles, qui pillèrent et dévastèrent le château.
Pendant la Guerre de Cent Ans, les engins furent peu entretenus, cela est logique; par contre les travaux militaires allaient bon train. Cela n'empêcha pas Edouard III, roi d'Angleterre, de ravager l'Artois, de piller et de détruire la parc et ses bâtiments. Les automates qui s'y trouvaient, les « engiens du paveillon », ne furent jamais reconstruits.
Les autres engins furent entièrement refaits dans les décennies suivantes, et on put les réutiliser « pour l 'esbatement Madame et ses gens ». Il s'agissait probablement de Marguerite de Flandres, femme de Philippe le Hardi. Tous ces travaux étaient issus du désir de Philippe le Hardi de faire d'Hesdin une de ses résidences d'été, ils allaient continuer jusqu'à la fin du XIV° siècle.
Par ailleurs, un passage existait qui reliait la galerie à la gloriete, c'est le « tonnel », certainement une allée couverte.
Philippe le Bon arriva au pouvoir en 1419 et il tomba sous le charme de ces automates. C'est sous son autorité qu'ils furent entièrement reconstruits. Il engagea Colard le Voleur, qui recouvrit les murs de la galerie de fresques représentant le mythe de la Toison d'Or, cher à Philippe le Bon, et qui rénova entièrement les automates. Il transforma la salle de bal en une salle de distraction où tout était basé sur l'eau, celle-ci circulant sous le pavement grâce à un réseau de conduits : elle était utilisée pour arroser, persécuter et poursuivre les visiteurs.
Ceux-ci, en entrant dans la galerie, étaient accueillis par un ermite de bois qui parlait. Un valet était certainement caché à sa base pour faire la voix. Ils entraient ensuite dans la salle sous le regard du lion de plomb, gardien de la porte. Huit conduits étaient là pour « moulliez les dames par dessoubz », et si les messieurs touchaient aux « boucles » au-dessus d'eux, un engin venait les frapper au visage et les recouvrir de suie et de farine! Ils apercevaient ensuite une ermite « qui fait plouvoir tout par tout comme l'eaue qui vient du ciel et aussi tonner et neger et aussi escliter comme se on le veoit ou ciel ». S'ils essayaient de s'enfuir, une place était prévue « que quand les gens vont pardessus pour eulx garantir de la pluie, ilz chéent du haut en bas en un sac là où ils sont tous emplumez et très bien brouillez ». S'ils essayaient de se sauver par la fenêtre, « quant les gens la veulent ouvrir, il y a ung personnage par devant qui moulle les gens, et resclot la fenêtre à parelle ». Ils s'approchaient d'un miroir qui était là pour « les gens veoir quant ilz sont broulliez et quant ilz regardent dessus, ilz sont derechief tous emboulerez de farine et tous blans ». Au milieu de la galerie trônait une fontaine, mais l'eau qui l'alimentait coulait « quant l'en voudra et yra tousiours dout elle vient ». Plus loin, un personnage de bois sonnait de la trompe et leur criait de quitter la galerie. Ce qu'ils faisaient sans nul doute et c'est alors qu'ils étaient « batus de grans personnages en manière de sots et sottes », ceux-ci les poussant vers un pont qui cèdait sous leurs pas. Plus loin, s'ils avaient la mauvaise idée d'ouvrir un livre de ballades, il crachait de la suie et de l'eau; ils se voyaient dans un miroir « où l'en voit plusieurs abuz », ils passaient sur un pont qui, à nouveau, cèdait sous leurs pas, rencontraient trois personnages qui les arrosaient, et enfin six autres qui « plus que paravant il n'y avoit, moillent les gens, et par plusieurs manières ». les visiteurs ressortaient de cette épreuve couverts de suie et de farine rendues collantes par l'eau dont ils avaient été aspergés. Le Grand Duc d'Occident était caché quelque part et avait assisté à toutes ces péripéties pour son plus grand divertissement.
En 1470, un traducteur et imprimeur anglais attaché à la maison de Marguerite de Bourgogne, William Caxton, se rendit à Hesdin. Il garda de cette visite le souvenir d'une machine créant des effets de pluie, de neige et d'orages, qu'il décrivit dans la préface de son livre, La vie de Jason. C'est donc que les constructions de Colart le Voleur étaient toujours en place, mais plus pour longtemps car les engins ne survivraient pas au déclin de la ville et à celui de la puissance bourguignonne.
Le désir des princes de faire de Hesdin un havre de paix, une sorte de paradis où tout est propice à l'enchantement les a poussés à y multiplier les sources d'amusement. Outre les engins, on y découvrait aussi une volière, un cadran solaire, un labyrinthe, une ménagerie et une roulotte.
Elle se trouvait à la droite du château, on l'appelait la gloriette, peut-être en souvenir du château de la Ziza à Palerme. En arabe, El Aziz (la Ziza) se traduit par Le Glorieux. On sait que Robert II a séjourné à Palerme, et la construction de cette gloriette date de son retour à Hesdin. Elle devait ressembler à un kiosque, qu'on a embelli tout au long du XIV° siècle.
A l'intérieur se trouvait une « gaïole », c'était la volière proprement dite, une grande cage remplie d'oiseaux. Très vite, les oiseaux naturels ne suffirent plus, et on y ajouta des oiseaux automates, perchés sur un arbre artificiel, et qui jetaient de l'eau sur les visiteurs. On y voyait aussi un décor sculpté représentant un roi assis. Les murs étaient peints. On dépensait autant d'argent pour nourrir les oiseaux que pour la nourriture des prisonniers!
A partir de 1372, la charge de gardien des oiseaux fut créée. On peut donc penser que la volière était très importante puisqu'un homme y était employé pour s'en occuper, alors qu'auparavant, c'était le maître des engins qui remplissait cette fonction. Il avait la charge principale de trois « pappegaux » ou perroquets, qu'il nourrissait de safran, de pain, pommes, poires, noix et fromages. Enfin, ces oiseaux étaient éclairés la nuit à l'aide de chandelles....
On l'appelle à l'époque « le miedi ». C'était un immense cadran solaire entouré d'accessoires et d'ornements qui en faisaient une oeuvre monumentale et artistique : des lions et des léopards de plomb étaient posés sur un socle de maçonnerie pour le soutenir.
C'était sans doute une table de plomb fondue dans un moule préparé par les charpentiers. Il était surmonté d'un cercle et d'une croix et le tout était recouvert de peinture blanche. Des « sauvages » de plomb figuraient aussi dans cet ensemble.
Elle était située au nord-ouest du château. En 1410, on trouvait à Hesdin un chameau, un taureau et deux vaches de Barbarie (nom donné jadis aux régions d'Afrique du Nord : Maroc, Algérie, Tunisie). C'est Philippe le Hardi qui avait fait amener ces animaux à Hesdin, mais ils ne vivaient jamais longtemps...
Cet engouement pour les animaux sauvages était une mode répandue dans toutes les cours du Moyen-Age, elle l'était encore chez les Ducs de Bourgogne. On sait que Philippe le Hardi avait un léopard qui le suivait dans tous ses déplacements; il possédait aussi des paons, des tourterelles, des chardonnerets, des tarins, un porc-épic et une ourse. Saint-Louis avait des lions, un porc-épic et un éléphant. Philippe le Bel avait des lions, des lionnes, des léopards et un ours blanc. Le roi Jean II le Bon possédait un chameau.
La ménagerie d'Hesdin n'était donc pas extraordinaire à l'époque pour la qualité de ses animaux, mais elle témoigne pourtant de l'importance du château puisque c'était très rare de trouver des animaux exotiques ailleurs que dans les très grandes résidences princières.
On l'appelait au Moyen-Age la « maison Dédalus ». C'était un labyrinthe composé de vignes, taillées très régulièrement. En 1395, on remplaça les murs de vigne par des « thilloel blanc » achetés à Blangy (village tout proche dans la vallée de la Ternoise). Il s'agissait vraisemblablement de troènes.
Elle fut construite sur ordre de Philippe le Bon. C'était une sorte de salle à manger sur roues, ouverte sur l'extérieur, qui permettait d'admirer la beauté du parc tout en mangeant. Un attelage composé de solides chevaux de trait déplaçait cette roulotte qui faisait environ 7 mètres de longueur et 4 mètres de largeur.
Ces différentes attractions montrent à quel point Hesdin a été un lieu de loisirs et de distractions; chaque prince y a contribué en y faisant installer de nouvelles réjouissances. Chacun a manifesté le même désir : celui de montrer qu'il était capable de maîtriser l'ordre de la nature. Pour cela, on a tout d'abord reproduit ce qui existait, en cherchant à l'améliorer jusqu'à ce qu'il ressemble le plus à l'image que l'on se faisait du Paradis. Ainsi, les jardins imaginés par Robert II rassemblent une multitude de bêtes sauvages, de fleurs et d'arbres magnifiques, et tendent à ressembler au Jardin d'Eden de la Bible. La galerie elle-même, par sa décoration, veut imiter les créations de Dieu : le plafond et les lambris sont peints de façon à imiter la voûte céleste, le fond est azuré; des étoiles d'or, des statues d'ange sont suspendues à la voûte et tout contribue à représenter un univers céleste.
Une fontaine dont l'eau coule sans cesse et revient à son point de départ est conçue à la fois pour signifier l'abondance, la fertilité, mais aussi une perfection qui dépasse ce que l'on trouve habituellement dans la nature. La présence, à l'entrée de la galerie, d'un ermite est plus significative encore. Sa volonté semble commander aux éléments : il fait tomber la pluie, éclater le tonnerre, apparaître la neige ou les éclairs. On peut voir ici le rêve de l'homme se matérialiser : être le maître du monde. L'ermite en effet, de par son existence contemplative, passe pour être l'intermédiaire entre Dieu et les hommes. Sa présence signifie donc qu'après Dieu, le maître du monde n'est autre que le seigneur du lieu...
Le parc et ses dépendances se présentent donc comme une démonstration, l'homme prouve qu'il peut utiliser à ses fins la lumière du soleil, la fraîcheur de l'eau, la fertilité de la terre, mais aussi qu'il peut être le maître des éléments qui d'ordinaire échappent à son contrôle. Le résultat de tous ces efforts semble être un monde d'illusions, créé à la place du monde naturel, dans lequel les objets, les lieux, les êtres sont détournés de leur usage habituel. L'homme est trompé par la maître du jardin qui a le pouvoir de l'abuser.